Les fêtes de fin d'année image
La période des fêtes de fin d'année approchent. On passe difficilement à côté. Les invitations, les tenues que l'on s'imagine porter, les préparatifs des repas, les organisations de dernière minute, les traditions familiales à observer, celles qui tendent à disparaître, celles qu'on veut maintenir à tout prix, les petits arrangements pour que ces moments soient des instants de fête et de partage ou qu'au contraire, ces temps passés en famille soient vite expédiés.
Il y a aussi les places autour de la table. Qui sera présent ? Qui ne viendra pas si l'autre est là ? Qui s'autorisera à être absent? Qui laissera un siège vide cette année ? Dressera-t-on comme si il/elle était toujours là ? Quelles seront les recommandations d'usage adressées aux enfants ou au nouveau partenaire dans la voiture? Quels sont les sujets touchy qu'on prendra grand soin d' éviter ? Qui va se charger d'orienter la discussion de telle façon ? Qui sera en charge d'amuser la galerie? Qui arrivera en retard? Qui aura prévu le champagne ? Qui aura remonté la spécialité provinciale de sa région ? Qui aura été chargé de quelle mission ? La distribution des rôles est importante. Elle dynamise les rapports, elle témoigne de ce que le groupe familial veut exprimer de son identité au travers d'un rite et au travers des tâches assurées par chacun. Elle exprime ce que le groupe veut incarner et, ce qu'il veut revêtir comme manteau narcissique pour lui-même.

Et puis, il y a les cadeaux. Ceux qu'on s'attend à recevoir, ceux qu'on redoute, ceux qui nous mettent en dette, ceux qu'on jalouse, ceux qu'on déballe frénétiquement, ceux qui finiront dans une donnerie ou dans un carton au grenier. Les cadeaux qu'on n'oserait pas forcément offrir mais qui seraient bien mérités, ou ceux qui feraient mouche. On s'est peut-être épuisé ou amusé à dresser notre liste de cadeaux symboliques dans notre tête mais on identifie mal qui dans notre système assume haut et fort d'être celui qui tient les commandes du traîneau chargé des beaux joujoux.

La période de Noël approche. Et les sapins jonchent les trottoirs. On les a décorés. On les a parés de guirlandes scintillantes. Dans les habitations, Noël s'est invité et il a convoqué petits et grands à investir les lieux d'un esprit de famille pour l'occasion, pour cette mise en beauté un peu grisante des espaces de vie. L'esprit de famille. Il y a l'esprit de Noël. Dickens parlait même de l'esprit de Noël passé, présent et futur. Et s'il en était de même avec l'esprit de famille ? Essayons nous à cette visualisation: comment pourrions nous personnifier l'esprit de famille ? L'esprit de notre famille. Vous le voyez comme un vieillard boiteux avec un bonnet de nuit? Comme la belle Marianne guidant le peuple? Comme le tableau de Goya où le Dieu Saturne dévore l'un de ses fils? Ou comme le Grinch qui prive tout le monde de la fête ?

Noël et la St Sylvestre sonnent dans nos têtes comme des moments charnières. Ils interviennent dans la comptabilité familiale à plus d'un titre. Les dettes matérielles et psychiques qui ont été contractées observent parfois un moratoire officiellement. Dans les faits, et officieusement, il n' en est rien. Les comptes sont bel et bien tenus. Ils sont étudiés scrupuleusement et se distillent dans nos façons de faire la fête, de faire contre mauvaise fortune bon coeur, dans notre façon de faire des efforts, de "faire famille".
Le 25 et le 31 décembre, ces deux dates sont très souvent signifiantes pour nombre de familles. A quoi vous renvoie cette période ? Comment observons nous notre système à la lumière des guirlandes et des bougies de table? Quelles sont les offrandes immatérielles que nous portons pour rejoindre nos proches sous l'étoile du berger? Temps de trêve ou champ de bataille, le repas de fête qu'il faut se farcir génère ou réveille des vieilles tensions avec son lot de marrons et de cotillons. Châpon émasculé ou dinde farcie, existe-t-il à cette table une place qui soit plus épargnée ?


Qu'importe ... Choisissons d'honorer à notre manière la vie qu'il nous a été donnée de vivre, que celle ci soit parfois emballée d'un joli papier cadeau ou d'un simple ruban qu'il nous faut dénouer.
Et comme disait Frédéric Mistral :
À l’année prochaine, que si nous ne sommes pas plus, ne soyons pas moins.